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dircomleblog - frédéric fougerat
2 juillet 2012

PORTRAIT

Patricia Chapelotte, mission com(mando)

Une_Lib_ration_28_juin_2012Cette experte en communication judiciaire, créneau émergent, a conseillé Jérôme Kerviel lors de son premier procès.
 
Octobre 2010. Date de son dernier contact avec Jérôme Kerviel, trois textos échangés à l’arrière d’un taxi. «Tu confirmes que je ne suis plus en charge de ta communication ?» «Je confirme.» «C’est mieux ainsi. Bonne chance, je t’embrasse.» Quittant Canal +, Patricia Chapelotte regagne, «soulagée», son domicile de Montmartre. Un peu plus tôt, Olivier Metzner, avocat de Kerviel, s’est invité dans l’oreillette de Denisot. Pour annoncer en direct que l’invitée du jour n’est plus liée en rien à son client, condamné la veille à trois ans ferme et 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts.

Juin 2012. Kerviel retrouve les salles d’audience pour son procès en appel. «Heureusement que je ne suis plus sur ce dossier, c’est bien trop compliqué», souffle-t-elle dans ses bureaux du IXe, décorés façon pop - rose pour elle, mauve pour son associé. Dans la pièce, plusieurs caisses du livre qu’elle vient de publier : l’Art de communiquer lors des grands procès. Un vade-mecum du communicant judiciaire, dont la moitié de la couverture affiche la tête blonde et le sourire Colgate de cette femme de 49 ans. Le cas du trader y est traité sur le mode du contre-exemple.

Fait inédit, en 2010, dans ses attendus, le juge avait ouvertement critiqué la «stratégie médiatique» de Kerviel. Dès ce moment, Chapelotte a médité l’idée d’un livre. Pour laver sa réputation de professionnelle, «ne plus laisser sous-entendre que je suis une mauvaise communicante.» Et raconter l’histoire d’une stratégie (la sienne).

Le plan, défini en juillet 2010 avec son client : observer jusqu’au procès un silence modeste face aux accusations de la Société générale et au tsunami médiatique. Poser «Jérôme» en bon p’tit gars de Pont-l’Abbé, Finistère, responsable mais pas coupable, fauché au point que toute son équipe travaille à l’œil. Le salaire, c’est la notoriété apportée par ce dossier hypermédiatique. Problème : la stratégie du silence est perturbée par des initiatives inopinées du client et de ses avocats. Dont la sortie un mois avant le procès, d’un livre-témoignage. «Une très mauvaise idée, qui a enfermé Jérôme dans une bulle médiatique, et donné au tribunal l’impression qu’on voulait faire pression sur lui», juge Chapelotte, qui assure que le projet s’est monté dans son dos. «Elle était évidemment au courant de la publication du livre et en a assuré la promotion, proteste Olivier Metzner. Et je m’étonne de son absence de réserves à l’égard d’un client en cours de jugement.» Parole à la défense : «Les avocats se payaient en temps de parole, sans stratégie médiatique globale, plaide Christophe Reille, prédécesseur de Chapelotte sur le dossier. Patricia n’a pas pu faire son boulot. La leçon de tout cela, c’est qu’il ne faut jamais travailler gratuitement.» Ça n’est de fait pas une habitude de la maison, même si l’intéressée concède gagner «très correctement [sa] vie en travaillant douze heures par jour.»

Le «boulot», ils ne sont que quelques-uns à l’exercer. Depuis longtemps indispensables aux politiques, les spin doctors sont encore regardés avec méfiance par les ténors à la Metzner, habitués à traiter eux-mêmes avec les journalistes. «Notre terrain n’est pas le procès judiciaire, mais le procès médiatique, précise l’intéressée, qui a aussi œuvré aux côtés de Jean-Louis Gergorin dans le dossier Clearstream. La stratégie de communication reste subordonnée à celle de l’avocat.»

Sa rencontre avec le monde des tribunaux est tardive. Elle est fille d’un employé terrestre de l’armée de mer, «un monsieur super sympa, toujours Gitane au bec, qui passait sa vie à discuter avec plein de gens». Dans les années 60, Chapelotte père installe sa famille au Rosnay, 700 habitants quelque part entre Poitiers et Châteauroux. A la maison, ambiance gaulliste, mode de vie «cadre moyen, catho cool».

Si la grande sœur adopte le keffieh et le gilet en peau de mouton, Patricia rêve d’un retour à la capitale.«C’étaient les années 80, âge d’or de l’entreprise. Je me suis passionnée pour le marketing et l’entrepreneuriat.» Elle ressort «fascinée» d’une rencontre avec Bernard Tapie, à laquelle l’entraîne un petit copain animateur de radio libre.

Deuxième escale, la politique. Patricia Chapelotte, qui n’est pas de gauche, range parmi les grands moments de sa vie une poignée de main échangée avec son idole, Jacques Chirac, dans un salon du Sénat. C’est en 1995 - avant l’élection - et elle dirige les relations presse d’un groupe politique attrape-tout, le Rassemblement démocratique et social européen. Deux ans plus tard, directrice d’une filiale d’Euro RSCG, elle compte dans son portefeuille un jeune maire de Meaux, pressé de changer son image d’énarque parachuté : Jean-François Copé. Et Dominique Perben, futur garde des Sceaux, qu’elle rejoindra place Vendôme entre 2002 et 2004.

Elle quitte le poste avant la fin du quinquennat, «parce que ce n’est pas la vraie vie», et qu’une petite fille aimerait voir sa maman, aujourd’hui divorcée d’un chef d’entreprise. Sa société, Albera Conseil, récupère illico la com’ du Conseil national des barreaux. Dans son portefeuille actuel, on trouve entre autres le Stade de France, la Chambre des notaires et les Commissaires aux comptes d’Ile-de-France. Pas de grand procès pour le moment, mais ça vient : elle est en contact avec un des protagonistes d’une grosse affaire à venir - ne demandez pas qui.

Parce qu’elle a fondé un club de «réseautage» entre femmes chefs d’entreprise («Génération Femmes d’influence»), parce qu’elle a appelé à boycotter le 20 Heures de TF1 qui invitait DSK - «quelle indécence !» - et même à manifester devant le siège de la chaîne, on tente l’étiquette «féministe». Patricia Chapelotte la repousse, la fait rimer avec «hystérie». On n’est pas là pour faire la révolution. «Côté pile, c’est une bourgeoise classique, à son aise dans le milieu feutré des tribunaux ou des cabinets, dit une amie de vingt ans. Côté face, une déjantée très rock’n’roll, qui peut chanter Dalida et Cloclo jusqu’au bout de la nuit au "Bal à Papa" du Pyla-sur-Mer.» Chapelotte se passe des sketchs de Coluche dans les moments de déprime, et commente en direct sur Twitter les performances des candidats au télé-crochet The Voice.

Du coup, on veut bien croire que Kerviel se soit souvent attardé dans ses locaux, comme un ado un peu paumé chez une bonne copine. Discutant, grillant des clopes, descendant des cafés, pianotant sur son ordinateur. Elle l’aimait bien. Même si elle dit suivre le nouveau procès de manière détachée, elle nous vend le garçon comme en 2010 : «Un type sympa, vraiment. Sensible, simple. Qui a un jour refusé que je l’emmène dans un restaurant un peu chic.» Le storytelling est rodé. Mais sa voix se serre un peu quand elle remarque que, «quand même, dans son bouquin, il ne m’a même pas citée».

Source : Libération - Article de DOMINIQUE ALBERTINI http://www.liberation.fr/economie/2012/06/28/patricia-chapelotte-mission-commando_829859

 

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