MARIAGE POUR TOUS
Est-il possible d’analyser le rôle des media ?
Quel rôle ont joué les media dans l’analyse et les commentaires de la mise en place de l'engagement 31 du programme présidentiel de Francois Hollande ouvrant le mariage aux couples de mêmes sexe ?
Quand les anti-mariage continuent de scander « journalistes collabo » après le vote solennel de la loi par l’Assemblée nationale, c’est, en plus d’être particulièrement violent, significatif d'une perception très engagée de la presse française sur la lutte contre les discriminations et l’ouverture à tous les citoyens des dispositifs de droit commun.
Pourtant, dans le même temps, la « communauté gay », si elle existe, où les influenceurs ou représentants d'associations militantes LGBT, appellent eux au boycott des chaines info, notamment BFM, considérant que celle qui se présente comme la première chaine info de France n’aurait pas été neutre ou suffisamment « gayfriendly » ce qui ne la rendrait plus crédible.
Dans cette atmosphère exceptionnelle qui oppose partisans de l’égalité et anti-mariage pour tous, il est très compliqué d'avoir une vision complète et réelle de la situation vue des media.
Par exemple, les principales chaines nationales de télévision, le plus gros de l’influence de la population, ont diffusées un nombre raisonnable de reportages consacrés au sujet. A l'inverse, les chaines info ont diffusées une masse de reportages, directs et débats en continu. De ce fait, la perception même de la quantité d'info est différente, ce qui perturbe la possible qualité ou possibilité d'analyse de cette information dans l’environnement médiatique global.
Fallait-il couvrir intégralement la grosse manif des anti, alors qu’une opération militaire débutait au Mali ?
Fallait-il ne pas couvrir identiquement la grosse manif des pro, pour suivre en direct l’arrivée du Vendée Globe ?
Chaque angle de présentation du sujet permet aux uns et aux autres de le présenter en fonction de sa propre vision.
Un point est incontestable, il y a eu débat, comme rarement dans une démocratie, et la presse y a très largement pris part.
De ce point de vue, elle a donc parfaitement joué son rôle.
Opinion vs information
La presse a-t-elle informé ?
Peut-être pas toujours. La valeur OPINION a probablement souvent supplanté la valeur INFORMATION. En réalité, l’avis de chacun semblait compter plus que le décryptage de l’information elle-même.
Il s’agissait d’égalité devant un droit commun : certains parlaient de mariage pour tous, d'autres de mariage homosexuel. Le seul choix des terminologies employées étaient déjà un choix éditorial fort, qui n’était pas innocent et qui permettait d’orienter le débat, de manipuler les raisonnements.
Certains montaient des portraits très caricaturaux de familles catholiques "parfaites", les opposants à des couples homo, pas moins caricaturaux.
Est-ce une juste et honnête description ou une amplification de la réalité favorisant les clivages et le rejet ?
Emotion vs information
Certains ont favorisé le débat avec des personnalités politiques ou représentatives de tous bords. D'autres, probablement majoritaires, ont fait le choix de starifier une ancienne humoriste qui peut aujourd’hui se glorifier d'une forte notoriété que les media ne manqueront pas d'utiliser contre elle en fonction des évenements. Mais quelle était sa réelle ou supposée légitimité ? Etait-elle la porte-parole de l’église ? mais de quelle église ? Etait-elle la porte-parole de l'UMP ? Même si Copé tente de récupérer le mouvement, il n’a jamais cédé sa place à la tête de sa formation ? Etait-elle la porte-parole du FN ? Le Pen n’a pas besoin de porte-parole et est d'ailleurs restée très en retrait de ce débat, pour peut-être mieux s’en sortir !
Les media ont utilisé Virginie Tellenne, plus connue par son pseudo burlesque et sa Com collorée. Ils l’ont glorifiée ou moquée, lui conférant une légitimité… médiatique. Comment la traiteront-ils à l'avenir ? A suivre...
Si les media l’ont utilisée, la considérant comme « bonne cliente », elle a elle-même eu l’intelligence de les utiliser, avec exigence, faisant refaire les prises si nécessaire, pour mieux cadrer ses messages, mieux façonner son image, assurer l'impact le plus fort à son engagement présent.
On ne peut probablement pas toujours accuser les media de tout. Ils ne sont pas pour autant responsables de rien !
Il restera néanmoins très difficile de faire une analyse objective du traitement de ce sujet par les media, la passion attisée par une classe politique, elle-même très responsable, ayant envahi et donc entaché un débat de société qui méritait mieux.
Frédéric Fougerat, fondateur de DirComLeBlog