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dircomleblog - frédéric fougerat
14 avril 2025

FRÉDÉRIC FOUGERAT : ET SI LE NÉO-COMMUNAUTARISME TUAIT LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ?

 

Tribune de Frédéric Fougerat

 

De longue date, l’entreprise a pu jouer un rôle concret dans la lutte contre les discriminations. Pas toujours par engagement, même si certaines ont intégré la promotion de la diversité dans leurs chartes éthiques et autres politiques RSE, mais aussi parfois par pragmatisme. Quand on a besoin de ressources qui se font rares, du BTP à l’ingénierie, quand on a besoin de recruter, on sélectionne à la compétence et à l’expérience, et on met de côté toute autre forme de discrimination. 

Image de Frédéric Fougerat, Photo de Frédéric Fougerat, Frédéric Fougerat
Frédéric Fougerat, président de Tenkan Paris (Crédit Léo Dubois)

La diversité au travail, fruit de l’engagement ou du pragmatisme

 

L’entreprise est probablement, et depuis longtemps, une des premières alliées de la lutte contre les discriminations. Certes, une forme d’entre-soi pourrait laisser penser le contraire. Notamment quand on préfère la provenance à la compétence et qu’on recrute plus facilement une personne issue d’une même formation ou d’un même parcours, plutôt que sur la base de ses compétences, qu’on ne sait d’ailleurs pas toujours parfaitement évaluer au moment d’un entretien d’embauche.

Reste que les entreprises, notamment les grands groupes, pour parler de ce que je connais le mieux, affichent dans leurs effectifs une diversité réelle, peut-être une des plus représentative de la société.

Tout n’est pas parfait. Tout n’est pas comparable. Toutes les entreprises ne sont pas exemplaires. Mais cette diversité d’origines ou d’apparences, au moins, est largement visible.

Cette diversité a ses limites ou ses failles. Il demeure, par exemple, toujours plus difficile de se faire recruter quand on est handicapé, notamment en cas de handicap visible et/ou de mobilité. Il est aussi plus difficile de se faire recruter quand on est très gros. La grossophobie existe et se traduit notamment par des discriminations à l’embauche. Elle n’a rien d’anecdotique, même si elle est souvent occultée ou oubliée dans les discours.

À l’exception des exceptions, et il y en a, l’entreprise en général est peut-être plus vertueuse que le reste de la société. Parfois pour des raisons d’engagements sociétaux, de politiques RH ou RSE, parfois du fait d’hommes et de femmes conscients du pouvoir qui est le leur de jouer un rôle majeur dans la lutte contre les discriminations. Parfois aussi, l‘entreprise post-rationalise la visibilité d’une diversité, qui n’est pas le résultat d’une politique volontariste contre les discriminations, mais seulement celui d’exigences business. On a besoin de recruter, et face à une pénurie de candidats, on discrimine moins. Tout le monde devient bienvenu, laissant disparaître tous les a priori initiaux. Mais les résultats sont là.

 

Le danger du néo-communautarisme radical

 

Si cette diversité voulue, ou imposée par les circonstances, est assurément un progrès sociétal, au moins en apparence, celui-ci pourrait de plus en plus perdre de son efficacité, voire se dégrader, par le développement d’un néo-communautarisme radical.

Si demain, chacun préfère défendre sa cause à celle du collectif, si le « je » doit l’emporter sur le « nous », ce sont des années de travail, d’engagement, de militantisme pour certains, dont les résultats pourraient disparaître.

Il me paraît difficile de revendiquer deux places en même temps. Celle au cœur d’un collectif qui devrait accepter chacun et chacune d’entre nous, sans discrimination. Et celle qui me réserverait, à « moi », une position particulière, au motif d’une différence que je revendique, d’une singularité que j’imagine pouvoir imposer au reste de la société.

Cette situation n’est pas sans rappeler les clivages au sein de la communauté homosexuelle (dans les pays où celle-ci avait une réalité), avant l’évolution des droits. Certaines personnes revendiquaient le Droit de vivre et être considérées sans distinction, comme des citoyens à part entière, quand d’autres cherchaient, au contraire, à se donner une plus grande visibilité, par un militantisme en faveur d’une égalité de Droit, déjà plus radicale, qui accentuait leur singularité face à celles et ceux qui voulaient se fondre ou se banaliser au sein de la société.

 

Une dégradation de l’efficacité de la lutte contre les discriminations

 

Aujourd’hui, alors que les sujets de communautarisme explosent et parfois s’opposent, ma crainte est d’assister à une dégradation de l’efficacité de la lutte contre les discriminations, voire à une perte de sens de cette lutte.

Soit on lutte contre toutes les discriminations, et pas seulement contre celles qui nous dérangent, comme s’il était possible de valider des graduations à mettre dans l’injustice, soit on va à l’encontre du principe même de cette lutte pour la Justice, si on en vient à admettre et justifier que certaines discriminations seraient acceptables.

Sur ces sujets de société, on peut d’ailleurs fréquemment noter l’incohérence de certains radicaux, capables de militer avec violence contre certaines violences… Il n’y a là pour eux rien d’absurde, ni de contradictoire, puisqu'ils considèrent alors légitime la violence que pourtant ils dénoncent quand ce n’est pas la leur. Mais pour défendre leurs causes ou imposer leur vision d’une société, alors leur violence serait fondée, acceptable…

Les mêmes pourront faire appel à la Police ou à la Justice pour les protéger, tout cassant du flic à la première occasion, et en faisant appel à la justice de la rue, de la foule ou des réseaux sociaux pour régler leurs comptes à leur convenance, hors des palais de Justice. 

 

Une fausse idée du collectif au service de l’individu

 

Dans sa sagesse ou par nécessité, l’entreprise pourrait éviter ce qu’une fois de plus les politiques publiques semblent incapables de faire : protéger, promouvoir, agir en faveur de la lutte contre les discriminations, contre toutes les discriminations. 

Le communautarisme ne devrait pas devenir l’inverse de ce qu’il est supposé être. À l’origine, le communautarisme faisait œuvre de solidarité, pour accueillir, aider, accompagner, assister les personnes qui étaient exclues de la société, du fait de leur origine, couleur de peau, orientation sexuelle, religion, handicap… Aujourd’hui, certaines formes de communautarisme donnent un sentiment contraire et pervers : être le prétexte de la défense d’intérêts collectifs pour mieux protéger des intérêts personnels. L’idée vicieuse qu’on peut s’unir collectivement pour ne protéger que sa petite personne devenue centre du monde... 

 

Tribune complète de Frédéric Fougerat sur FOCUS RH

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