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dircomleblog - frédéric fougerat
18 avril 2017

TRIBUNE DE FREDERIC FOUGERAT ET DE BENOIT REPOUX

Faut-il parler franglais pour paraître plus business ?

Peu importe la taille de l’entreprise, le service concerné ou les sujets à l’ordre du jour. Aujourd’hui, il est de plus en plus difficile de ne pas être enseveli sous une avalanche de termes anglais dans un échange professionnel. Nous utilisons quotidiennement sans même nous en rendre compte des mots comme deadline, benchmark, homepage, toolkit, brainstorm… Pourtant, la plupart possède un ou plusieurs équivalents dans la langue française. L’abus de franglais dissimule-t-il un manque de fond ? S’agit-il d’une simple posture, plutôt ridicule ? Peut-il constituer un handicap social, par manque d’empathie ou par mépris envers ses interlocuteurs ? 

Frederic Fougerat et Benoit Repoux - Digital Awards 2016

« J’ai checké : il y a un meeting en confcall, plug-toi pour les incentiver sur les KPI, ça aidera la team à être awardée ! ». Si cette phrase n’est pas une citation directe, elle n’est pas non plus une exagération grossière. Elle illustre simplement le ridicule d’une situation que chacun(e) rencontre à longueur de journée : des francophones qui inondent leurs phrases d’expressions anglophones.

Nos concitoyens n’étant pas réputés pour leur maîtrise de la langue de Shakespeare, cela occasionne en plus des situations cocasses où les accents douteux donnent lieu à des interprétations toutes personnelles de ce vocabulaire exotique. Bien sûr, l’omniprésence de ces formules toutes faites peut s’expliquer par la constitution d’équipes internationales et multiculturelles, mais dans ce cas, autant passer directement à l’anglais plutôt que de mutiler non pas un langage, mais deux.

Parler pour ne rien dire

Il est permis de s’interroger sur les raisons profondes de ces emprunts linguistiques répétés, qui dérivent vers le barbarisme quand on préfère inventer plutôt que de réfléchir. « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément », écrivait Nicolas Boileau au XVIIe siècle, empruntant au poète latin Horace. Dès lors, pourquoi recourir si fréquemment à une autre langue, sinon pour nimber ses propos d’un certain flou artistique ?

La tentation est grande : ça sonnerait mieux, ça pourrait donner l’air compétent… au risque de ne pas toujours savoir ce que l’on raconte vraiment, et de paraître totalement ridicule. C’est même possiblement dangereux ou méprisant à l’endroit d’un interlocuteur embrouillé par l’effort nécessaire et la concentration supplémentaire qu’exige le passage permanent d’une langue à l’autre. Il suffit de voir combien l’exercice de la reformulation en termes courants est laborieux pour se rendre compte de l’absurdité de la chose. Bien sûr, c’est parfois pertinent, quand l’anglais s’impose ou que le français ne propose pas de synonyme, mais c’est plutôt l’exception que la règle.

Sacrifier la précision du propos

Tout aussi gênant, l’emploi excessif de mots étrangers exclut de fait celles et ceux qui ne maîtrisent pas les codes à la mode, nuisant ainsi à la fluidité des échanges et à la communication des idées. La liste est longue de ces raccourcis langagiers qui ont envahi notre quotidien sans raison valable. Par facilité, par paresse, pour faire effet, paraître plus business ou simplement faire comme d’autres : rien qui ne justifie de sacrifier la précision du propos, surtout si tout le monde n’est pas sur la même longueur d’ondes.

Sans se faire le chantre de la loi Toubon, dont le bilan est assurément positif pour la langue française, force est de constater que l’on respecte de moins en moins le patrimoine culturel représenté par notre langue. Il ne s’agit pas là d’un combat d’arrière-garde, comme le montre la question très actuelle de l’écriture inclusive ou la nécessaire défense de l’écriture typographique.

Choisir ses mots et ses combats

Vouloir préserver la place du français, ce n’est pas rejeter l’anglais, langue universelle qui nourrit la nôtre et dans laquelle sont forgés de nombreux concepts innovants, notamment pour le marketing (!) et la communication. Il s’agit au contraire de mieux en tirer parti, puisqu’elle est à notre disposition comme de nombreux autres outils. Promouvoir la langue française, ce n’est pas non plus nécessairement vouloir créer ou imposer des traductions qui lutteront toujours contre les dénominations originales. Qui peut raisonnablement penser que courriel et gazouillis remplaceront un jour e-mail et tweet ?

« J’ai vérifié : il y a une réunion téléphonique, tu peux y participer pour leur expliquer l’importance des indicateurs de performance, ça aidera l’équipe à gagner des prix ! ». Comparée à sa version franglaise, cette phrase peut sembler banale, voire bavarde, mais elle a le mérite d’être claire et compréhensible. La personne qui la prononcera ne sera pas moins crédible… et le sera peut-être même plus, en s’attirant la bienveillance de ses interlocuteurs pour l’effort accompli et en conservant ainsi toute leur attention. Et au pire, elle se sera juste exprimée normalement, correctement, en français.

Frédéric Fougerat, directeur de la communication Elior Group

Benoît Repoux, conseiller éditorial à la direction de la communication Elior Group

Retrouver la tribune de Frédéric Fougerat et Benoït Repoux sur le site de Focus RH

Citation Frederic Fougerat - franglais

Crédit photo : Frédéric Fougerat et Benoît Repoux aux Digital communication awards 2016 - Berlin

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