EVITER LES RISQUES PSYCHOSOCIAUX LIES AUX RESEAUX SOCIAUX
Tribune de Frédéric Fougerat dans Les Echos
L’usage renforcé des réseaux sociaux, à titre personnel ou professionnel, et la violence sous toutes ses formes qui s’y rattache trop souvent, constituent de nouveaux risques psychosociaux. Comment s’en prémunir ? Les pistes de Frédéric Fougerat, directeur de la communication et de la RSE du Groupe Foncia.
Les périodes de confinement imposées par la pandémie de la Covid-19 auront encore vu s’intensifier l’usage des réseaux sociaux, avec, en fonction des plateformes, la recherche d’informations, le besoin d’échanger, et parfois de débattre, le souhait de partager des bons moments de sa vie confinée, ses activités, ses réflexions…parfois simplement de dialoguer.
Il existe plusieurs façons d’utiliser ces réseaux dits "sociaux", en étant acteur ou simple observateur. D’ailleurs, il n’est pas possible de mettre sur le même plan celui ou celle qui utilise les réseaux sociaux à des fins politiques, et les personnes qui souhaitent simplement partager des connaissances ou leur passion.
Les premiers cherchent à promouvoir ou tester des idées, éventuellement à susciter le débat, avec des réactions d’approbation ou de désapprobation. C’est ce qui arrivera en fonction de la qualité des réflexions, et du niveau de propagande ou de provocation politique utilisé ou perçu. Les seconds sont dans une démarche supposée moins clivante et partisane, peut-être plus humble, à la recherche d’un dialogue avec une communauté d’intérêts ou d’initiés dans un domaine.
Toutefois, dans les deux cas, les auteurs ont en commun de prendre un risque, celui de s’exposer. Sans en avoir toujours bien conscience, jusqu’au jour où les échanges se font moins bienveillants, la contradiction plus agressive ou injurieuse, les propos violents… Chacun peut alors se retrouver la cible d’un tribunal populaire, sans autres règles que la force de l’invective et des commentaires défoulatoires qui peuvent l’emporter sur la raison, la courtoisie, et parfois même la loi.
Toute idée ou action est sujette à controverse
On réalise alors que pour certains, leur seul sport est la contradiction. Qu’avec eux, toute idée ou action est sujette à controverse, à polémique, à rivalité ; que surgissent facilement des ennemis qui ne connaissent pas plus votre parcours ou vos valeurs que vos réalisations ; et que ces gens peuvent déverser sur vous une haine effrayante, parfois doublée d’un harcèlement ciblé, avec des propos d’une violence inouïe, sans nécessairement se cacher derrière l’anonymat, faisant de vous une cible dans une foire où on acclame celui qui cogne le plus fort.
Il me semble difficile de catégoriser ces agissements, pas toujours motivés ou calculés. Il n’est pas forcément question d’activistes ou de militants très engagés, mais de personnes hystérisées, seules devant leur écran, parfois déconnectés des sujets qui ne les concernent même pas. Il peut s’agir de jalousie du succès ou de la visibilité d’une personne, de la qualité de ses propos ou de ses réalisations ; il peut aussi s’agir de l’association de deux biais cognitifs : l’erreur fondamental d’attribution (juger sans savoir), et l’auto-complaisance (moi j’ai le droit), qui semble autoriser certains à donner des leçons ou se transformer en justiciers du web, à la fois policiers et procureurs ; il peut enfin s’agir de faiblesse d’esprit ou de manque de réflexion.
Comme le disait le psychiatre Carl Gustav Jung : "Réfléchir c’est difficile, c’est pourquoi la plupart des gens jugent". Dans tous les cas, il s’agit d’interventions, voire d’ingérences, dans les affaires des autres, sans nécessairement être concerné, sans connaissances, compétences ou légitimité pour s’exprimer sur un sujet, et encore moins sur une personne !
Pas de liberté sans prise de conscience
Il est donc nécessaire de rappeler des évidences : si chacun a bien le droit d’émettre des avis, dans le respect et les limites de la légalité, chacun a également le droit de ne pas vouloir en prendre connaissance ou y répondre. Il est donc indispensable de prendre conscience de cette liberté dont on ne saurait être privé, afin de pouvoir se soustraire à l’aspect parfois très négatif et potentiellement dangereux des réseaux sociaux.
Les réseaux sociaux ne sont pas des espaces qui nous obligent à subir ce que d’autres voudraient nous imposer. Nul n’est contraint à devoir échanger avec un autre s’il ne le souhaite pas.
Autant un élu doit rendre des comptes à ses électeurs et peut être amené à s’expliquer sur son action, sans que cela ne puisse justifier la violence, de part et d’autre d’ailleurs, autant le simple citoyen n’a pas de compte à rendre à celles et ceux qui seraient tentés d’en exiger de lui.
Nous serions complices de la tyrannie des réseaux sociaux si nous en légitimions les travers, en nous y soumettant malgré nous, en alimentant les propos faciles, malveillants, en reprochant aux autres leur manque d’exemplarité, d’engagement, de courage, quand nous pourrions en manquer nous-même, en commentateurs, confortablement abrités derrière l’écran d’un smartphone.
Il n’y a pas d’obligation à subir
À celui ou celle qui se sent agressé, perturbé sur les réseaux sociaux, il n’y a donc pas d’obligation à subir, à se soumettre, encore moins à souffrir... Il n’est pas obligatoire d’ouvrir sa communauté à des inconnus. Il n’est pas obligatoire d’en maintenir l’accès à des personnes nuisibles, ni de suivre des comptes qui ne nous conviennent pas. Enfin, il est autorisé et même recommandé d’avoir recours à la fonction "bloquer" pour ne plus être en lien avec des personnes qui ne nous respectent pas, polluent notre compte, nous perturbent….
Il n’y a aucune culpabilité à avoir. Car une fois de plus, ce n’est jamais la victime de violence qui doit se sentir coupable, mais la personne violente. Nous n’avons pas, et même jamais, à nous justifier !
Sur les réseaux sociaux, chacun reste donc libre de créer et entretenir la communauté qu’il souhaite. Chacun doit veiller à sa santé et prévenir les risques psychosociaux, limiter son exposition, sélectionner ses contacts, afin de ne pas s’installer durablement dans un environnement virtuel dont les bienfaits peuvent être aussi importants que les méfaits redoutables !
N’oublions jamais que chacun est responsable de son exposition sur le web, chacun est aussi responsable de ce qu’il accepte de supporter ou pas, et que couper avec l’insupportable permettra d’éviter des risques psychosociaux dommageables.
Frédéric Fougerat est directeur de la communication et de la RSE du Groupe Foncia.
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PHOTO : Frédéric Fougerat, directeur de la communication et de la RSE du groupe Foncia